La mission de VAA-NUI racontée par Antoine Jomier – photos Clémence Jomier
Voilà sept jours que nous sommes mouillés en face du village de Diogane, au milieu d’un bolon au sud du Sine Saloum. Devant nous, le bras de mer se sépare, et la mangrove veille sur nous. Sur notre gauche, deux grandes pirogues sont mouillées à côté du ponton du village, qui fait face au baobab, au dispensaire, à la mosquée et à notre fameuse école. L’endroit est d’une quiétude absolue. Pas un bruit de voiture, d’avion, de bateau.
Pas de vague, ni de bruit de vent dans le mat,la brise ne dépasse jamais 10 à 12 nœuds. Seul le courant nous fait bouger au gré des marées et les seuls bruits que nous entendons sont les chants des oiseaux, le cri du coq du village ou de l’âne. Le matin, les enfants du village appellent Martin et Augustin pour les inviter à jouer au foot. Chaque jour, quelques pirogues passent, quatre ou cinq, jamais plus. Nous n’avons croisé aucun autre bateau de plaisance.
Diogane est un village typique du Sine Saloum composé de mille habitants, Sérères Niominka, c’est à dire qu’ils vivent ‘dans l’eau’, par l’eau. L’activité principale est la pêche à bord des grandes pirogues qui partent pour de longs voyages, jusqu’à quinze jours, dans les eaux de la Gambie ou de la Guinée. Mais derrière la mangrove, sur l’île, les terres sont belles et le village cultive des terres irriguées par la saison chaudes en été, essentiellement le maïs.
L’électricité est fournie par des panneaux solaires. L’eau n’est pas courante. Elle provient du puits ou des récupérateurs d’eau de pluie qui peuvent être installés ça et là. Diogane ne dispose que d’un petit magasin et deux courriers ou navettes par semaine pour se rendre à terre ou sur les autres îles.
Les villageois sont heureux et fiers de leur village. Cet isolement fait partie de leur identité, ils apprécient ce calme et cette autarcie. Bien sûr, tout le monde se connaît. Il règne une grande solidarité et chacun contribue à une vie harmonieuse. Jeunes, vieux, hommes et femmes, pêcheurs et cultivateurs, enfants, ils ont tous leur place et leur rôle à tenir. Arrivés il y a sept jours, nous avons été formidablement accueillis par tout le village.
Omar, directeur de l’école, natif du village nous a guidés depuis Dakar jusqu’ici. Parlant un français comme vous et moi, l’échange est facile et sa motivation pour son école et les enfants est fantastique. Ibrahim, surnommé Ibé, acteur de la vie de la commune en particulier du lien avec les jeunes, ainsi que Salif participent à notre formidable accueil. Ils nous expliquent les codes de la vie du village. Nos enfants sont vite pris en charge par les petits villageois.
Rapidement, nous comprenons le rôle essentiel de l’école pour la communauté. Nous la visitons dès le premier jour grâce à Omar et Mamadou, le deuxième enseignant, qui nous proposent une tournée dans les classes. Il n’y a pas grand chose dans ces classes, mais il y a l’essentiel : des tableaux, des craies, des tables doubles en bois, une ardoise et un cahier par enfant, et deux instituteurs, référents du village, comme au temps de Jules Ferry. Nous découvrons aussi trois bâtiments de deux classes, dont un en très mauvais état.
Notre mission est de faire réhabiliter ce bâtiment et reconstruire la classe en paille avec des briques. Nous leur offrons tout ce que nous avons transporté sur notre bateau : des ballons de foot, une caisse de crayons de couleur offert par les enfants de notre école à Saint-Cloud, des BLED, du matériel de géométrie, des boites de craies, des cahiers, des livres et une imprimante.
Nous leur avons aussi fait confectionner un nouveau pavillon sénégalais qu’ils ont tout de suite hissé en haut du mât qui trône au milieu de leur cour. Le projet de construction n’a pas encore démarré. Les fonds viennent d’arriver au Sénégal.
Avec Omar, Ibé et Seydou, coordinateur local de VSF, nous réunissons les ‘instances’ de l’école, l’APE (Association des Parents d’Elèves), et le CGE (Conseil de Gestion de l’Ecole), ainsi que le maçon. Nous l’avions auparavant rencontré pour finaliser les devis et les différentes options. A 16h, sous le baobab, tout ce petit monde se retrouve et le bouche à oreille ayant fonctionné dans le village, nous finissons cette réunion avec plus de trente personnes.
D’un commun accord, nous décidons de détruire le bâtiment qui est en mauvais état et d’en reconstruire un plus grand qui pourrait accueillir cette fameuse « classe en paille ». Le périmètre, le projet et le budget sont validés, l’entrepreneur-maçon est choisi, le chantier peut démarrer après l’achat des matériaux et la construction des briques.
Le village se mobilise afin que nous puissions poser la première pierre avant notre départ. Mercredi, nous sommes partis à trente en pirogue pour ramener 25 tonnes de matériaux. Martin, Augustin et moi avons participé à cette journée exceptionnelle, forte en émotions (il fallait nous voir, repartant de Djiffer, embarquant sur la pirogue remplie avec une ligne de flottaison qui s’enfonçait nettement dans l’eau … ).
Aujourd’hui, nous avons rendez-vous à 11h pour aider les villageois à fabriquer les premières briques avec le ciment que nous avons acheté. Demain, le bâtiment existant sera détruit et lundi, la première pierre sera posée. VSF enverra régulièrement des équipages à Diogane afin de suivre l’avancée de la construction. Après la montée des murs, restera à prévoir la pose de panneaux solaires et l’achat de l’équipement : tables, chaises, bureaux, armoires, matériel informatique, la formation des enseignants, etc… Inch’ Allah!
Antoine Jomier à bord de « Vaa Nui » http://www.inspirations-levoyage.com /
La réhabilitation de l’école de Diogane en cours est financée par :
la Région Nord – Pas de Calais, la Région Ile de France (Aramis), l’association des Parents d’élèves de l’Ecole St Joseph, l’APE de Diogane, l’Ecole de la Trinité, la Communauté rurale de Bassoul, le Ministère de l’Education du Sénégal, 90 donateurs privés via la plateforme participative Hello Asso et VSF. Budget total : 32 000€
